Clément de Blic (LI215) en Mission pour Fidesco en Afrique du Sud
- 25
- Jan
- Posté par : adrien.le-roy@gadz.org
- Catégorie : ActualitĂ©s de La Biffutière, Nos camarades en mission
Sal’s à tous,
Les plus fidèles à La Biffutière se souviendront peut-être de moi. Je m’appelle Clément de Blic (Li  215) et je viens de passer une merveilleuse année de césure en Afrique du Sud avec l’ONG Fidesco. Rentré en août 2018, on me propose d’écrire un petit article pour vous faire part de ma fin de mission. Et c’est avec joie que j’ai accepté. J’ai vécu tellement de belles choses pendant cette année que ce serait un gâchis que de le garder pour moi. Pour ce qui n’ont pas lu mon précédent article, et pour rafraîchir la mémoire de ceux qui en auraient besoin, je vais commencer par recontextualiser ma mission
Entre ma deuxième et ma troisième année à l’Ensam, j’ai décidé d’effectuer une année de césure. Comme je l’avais expliqué précédemment « ces dernières années j’ai été de plus en plus animé par l’envie de faire une année de césure, l’envie de voyager, de vivre une expérience humaine forte, de découvrir une nouvelle culture, un nouveau peuple, une nouvelle façon de vivre sa foi, l’envie de me forger l’esprit. Mais surtout, après avoir tant reçu, l’envie de donner un peu de mon temps, de me mettre au service des autres ».
C’est donc dans ce contexte que Fidesco m’a envoyé un an dans la charmante ville de Bethlehem en Afrique du Sud. Le cœur de ma mission était de travailler pour CCS (Catholic Community Service) qui est une ONG fondée par le diocèse de Bethlehem et qui, notamment, supervise et conseille cinq centres qui accueillent les enfants défavorisés des townships après les cours.
Le matin, les enfants étant à l’école, j’aidais aux tâches administratives dans les bureaux de CCS. Je tenais à jour le site web, la page Facebook de l’ONG et j’ai également mis en place des outils informatiques pour aider CCS à manager les 11 centres. L’après-midi, j’avais la joie d’aller dans les centres pour aider les volontaires locaux à prendre soin des enfants. Nous organisions donc des activités ludiques, éducatives dans un environnement sain pour que ces enfants puissent se développer et jouer, comme des enfants de leur âge doivent pouvoir le faire.
Le but n’étant pas de raconter la même chose que la fois dernière, je vais m’arrêter là quant à la piqûre de rappel (en cas de besoin l’article précédent est toujours disponible ici !)
Passons désormais au vif du sujet avec la fin de ma mission. Celle-ci était toute aussi passionnante que le début, pas moins riche en rencontres, en surprises, en belles découvertes et en joie !
J’ai bien senti venir la fin de ma mission puisque les sud-africains ont une façon bien spécifique de dire au revoir. Ils organisent des farewells, une sorte de pot de départ qui semble être quelque chose d’inévitable avant un départ. Mais je n’ai pas eu une farewell, j’en ai eu une quantité incroyable.
En commençant à l’évêché, un mois avant mon départ, puis avec CCS, avec ma chorale, au sein d’un centre d’accueil d’enfants… plus toutes les moins officielles avec des amis, des paroissiens, des prêtres. Mais c’est plus qu’un pot de départ, c’est un festin, accompagné de discours et même de cadeaux. Je fus très touché, mais honnêtement un peu surpris, par le nombre de paires de chaussettes et de pantalons reçus. Sont-ce mes vêtements qui faisaient misères ou simplement la grande générosité des Sud-africains ? Je parierais surtout sur la deuxième proposition.
Afin que vous puissiez vous rendre compte de l’ampleur d’une farewell, j’aimerais vous raconter celle que m’a organisée ma chère chorale. Ils m’ont dit que je pouvais inviter 2 ou 3 personnes. J’ai donc proposé à deux amis de se joindre à la fête. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons trouvé au milieu du salon un petit buffet avec l’apéro et, derrière celui-ci, trois belles chaises sur lesquelles ils nous ont demandé de nous asseoir. Sans trop savoir à quoi m’attendre je me suis assis, encadré de mes deux invités, alors que toute la chorale était debout devant nous. J’ai alors compris que cette farewell ne serait pas un simple pot de départ mais une véritable cérémonie. Même un pasteur avait été invité pour l’occasion.
La présidente de la cérémonie se chargea de déclarer l’ouverture du festival, puis s’enchaînèrent les prières, les chants, les danses, les discours très émouvants. Ils m’avaient notamment écrit un petit mot très mignon et en Français. Même David, mon binôme de mission, à dû improviser un petit discours qui fut très touchant. Puis, bien-sûr, vint le tour du mien que je n’avais pas du tout préparé. Après cela est arrivé le temps des cadeaux. J’ai reçu des chaussures, des chaussettes, un pantalon, une casquette, une chemise… Ces personnes, bien loin de vivre dans le luxe, m’ont vraiment impressionné par leur générosité et leur volonté de faire les choses en grand pour cet événement. Ils m’ont même arrosé de mousseux ! Nous nous sommes ensuite partagé la fin de la bouteille à 25 car il n’était pas imaginable qu’une seule personne puisse ne pas en avoir. La cérémonie a continué avec un très bon repas, un braai (version sud-africaine des barbecues). Ils étaient bien amusés de voir qu’avec David nous osions manger avec les mains. Finalement, la cérémonie s’est clôturée par l’inévitable séance de photos suivie d’une petite soirée à danser et à bavarder. Jamais je n’aurais imaginé que cette petite chorale de township allait organiser une telle cérémonie simplement pour me remercier et me dire au revoir. J’ai tant reçu de cette chorale qui m’a accueilli, chouchouté, qui m’a fait participer à la vie du township et qui m’a fait découvrir un peu plus la belle culture des Basothos. Après tout ce que j’ai reçu d’eux, leur bonté à encore réussi à me surprendre une dernière fois.
J’aimerais également vous parler d’un ami que j’admire beaucoup. Il s’appelle Lucky, ce qui veut dire « chance » mais il n’a pour autant vraiment pas une vie facile. Ses parents, ses frères et ses sœurs sont tous morts, principalement à cause du sida. De ce fait, il a dû quitter l’école avant même d’avoir son bac pour aller travailler, afin de ramener un peu d’argent pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa grand-mère. N’ayant plus de famille proche, Lucky considère désormais comme ses frères et sœurs tout enfant de son quartier. De ce fait, tous les samedis, il organise des activités pour ces enfants. Quand il le peut, il vient bénévolement aider le centre Ikemeleng. Il m’a précieusement rendu service lorsque j’essayais d’organiser avec les volontaires de ce centre des programmes de vacances pour les enfants. Lorsqu’il était disponible, il se joignait à nous et apprenait aux enfants, aux volontaires et à moi-même de nouveaux chants, de nouvelles danses, de nouveaux jeux. Il savait s’y prendre avec ces enfants qui l’aiment et qu’il aimait. Un bon moyen de quantifier si une journée était réussie était de compter le nombre de sourires. Avec lui dans les parages, je savais que le nombre de sourire serait record. La journée était réussie d’avance.
Avant de partir j’ai aussi eu un beau cadeau. J’ai réussi à organiser un camp de jeunes, sur deux jours, avec ceux de la cathédrale. L’évêque m’a demandé de prendre en charge ces jeunes issus globalement de milieux plus aisés et de monter avec eux un petit groupe de jeunes dynamiques. Tout au long de ma mission, j’ai essayé d’organiser des activités avec eux. Ça n’a pas toujours été un grand succès mais, de temps en temps, un petit événement voyait le jour. J’avais en tête d’organiser pour eux un événement de plus grande échelle.
J’avais d’abord pensé à une retraite mais elle s’est avérée un peu compliquée à organiser seulement quelques mois avant mon départ. J’ai donc proposé un petit camp. L’idée semblait plaire aux jeunes mais, pour les parents, c’était tout autre chose. Certains semblaient très inquiets de voir leur enfant dormir loin d’eux, d’autres craignaient que leur fille revienne enceinte ou n’aimaient pas l’idée qu’ils ne puissent pas être sur place en cas de problème. Après quelques négociations, nous avons convenu de faire un camp sur un week-end, à Bethlehem afin que les parents puissent venir à tout moment s’assurer que le camp se déroulait bien. Nous avons alors fixé une date. Mais, 3 jours avant, les désistements de dernière minute ont commencé et, finalement, la veille il m’a fallu annuler. Non pas tout à fait annuler mais repousser. Il ne me restait que 2 semaines avant mon départ pour faire une nouvelle tentative. J’ai alors proposé de faire cela pendant mon dernier week-end en Afrique du Sud et, pour mon plus grand bonheur, ce fut un succès. Après quelques désistements de dernière minute, nous avons tout de même pu passer un merveilleux camp de 2 jours à 10 participants. Ce qui était presque inespéré. Le camp se déroula parfaitement, entre visite à d’un des centres d’accueil d’enfant, activités sportives, adoration, braai, film culturel, enseignement… Nous ne nous sommes pas ennuyés, le tout dans une très bonne ambiance. Ce camp était un bel achèvement de ce que j’avais fait pendant un an avec eux. Cerise sur le gâteau, il s’est terminé avec la mensuelle messe des jeunes. Mes dernières heures à Bethlehem, ma dernière messe, étaient donc avec ces jeunes. Ce fut le plus beau cadeau qu’ils pouvaient me faire.
En fin de mission, je me suis demandé si celle-ci avait réellement porté du fruit. J’en ai, un soir, fait part à David et à un ami, qui s’avère être un prêtre. Ce dernier m’a notamment répondu quelque chose que je ne suis pas prêt d’oublier. Il m’a répondu que David et moi-même lui avons fait découvrir, à lui qui avait subi l’apartheid dans sa jeunesse, qu’il était capable d’aimer des blancs. Cette réponse m’a donné un grand frisson car j’ai alors compris qu’on est souvent bien loin d’imaginer l’impact que peuvent avoir nos actions, aussi simples soient elles.
J’espère donc que ma mission a effectivement été fructueuse pour les personnes que j’ai rencontrées mais ce n’est certainement pas à moi de juger cela. En revanche, ce que je peux affirmer, c’est qu’elle l’a été pour moi, au-delà de toutes attentes. Elle m’a fait grandir humainement et spirituellement. Humainement, car j’ai gagné en assurance, j’ai changé mon rapport aux autres. J’ai appris à ne pas juger car chaque personne est une merveille qui a beaucoup à m’apprendre. En particulier à écouter plutôt qu’à vouloir enseigner. J’ai découvert que ce n’est certainement pas l’argent qui fait le bonheur, et souvent c’est justement l’inverse. J’ai appris que la simplicité de vie, qu’elle soit choisie ou non, est une vraie richesse et que je souhaite en faire le choix.
J’ai également grandi spirituellement : ma vie de prière était très intense et très régulière. J’ai découvert combien cette régularité est importante et combien elle peut être porteuse. J’ai fait l’expérience du fait que la confiance en Dieu et l’abandon rendent la vie beaucoup plus simple et tellement plus agréable. Mais j’ai également appris qu’il n’y avait pas une unique manière de vivre sa foi. Que, notamment, chaque culture a une manière différente de pratiquer sa foi, et que cette manière est tout aussi belle. J’ai compris que la foi n’a aucun sens si elle n’est pas accompagnée de comportements cohérents. En effet, les gestes, les actions et les comportements parlent et témoignent beaucoup plus que les discours. Ils doivent être le reflet de notre foi.
Ma mission est désormais terminée, c’est une belle page qui se tourne mais une autre, tout aussi prometteuse, vient de s’ouvrir. Cette année en Afrique du Sud m’ayant fait découvrir combien il était intéressant de partir à la découverte d’un pays, à l’heure où je vous écris je suis à Istanbul pour un semestre Erasmus. Dans la continuité de ma mission, je souhaite découvrir en profondeur la culture Turque. Je souhaite également m’engager de différentes façons car il serait trop dommage de laisser mourir ce qui a commencé à germer en moi au cours de cette année. Je m’investis, par exemple dans une paroisse, j’ai de belles occasions de témoigner de cette année extraordinaire, ou encore j’essaye de garder le sourire, la joie de vivre que j’ai développée en Afrique du Sud. J’essaie également de garder une vie de prière structurée et régulière, notamment par la messe en semaine. J’en ai découvert les bienfaits et n’ai pas l’intention de m’en séparer. Sur le plan professionnel, cette année m’a fait comprendre que je ne voulais pas baser ma carrière sur des objectifs de salaires mais que je voulais trouver un travail qui me rende heureux. Un travail qui soit cohérent avec ma foi, avec mon choix de simplicité de vie. Un travail où le relationnel est primordial. Je ne sais pas encore de quelle manière cela va se présenter. Je sais qu’il sera difficile de résister à l’attrait d’une vie sûr et plus confortable, et que ce sera un combat quotidien. Mais je suis convaincu que c’est un combat qui en vaut la peine. C’est un combat qui me rendra heureux et qui, si j’y parviens, rendra mon entourage également heureux. Cette extraordinaire année de césure m’a fait comprendre que c’est cela vivre en chrétien.
Désormais, je tiens à vous dire un immense MERCI. Merci d’avoir pris le temps de me lire. Merci à ce qui m’ont soutenu financièrement ou/et par la prière. Dans l’espoir que ce témoignage reflète et transmette le bonheur, la joie dont j’ai joui pendant un an.
Bien fraternellement
Clément de Blic (Li 215)